“Les politiques migratoires en Europe : évolutions historiques,
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"Les politiques migratoires en Europe : évolutions historiques, modèles explicatifs et développements récents. L'exemple de la "crise des réfugiés"" Nicolas Fischer, CESDIP Camille Hamidi, Lyon II
1ère partie : Les politiques migratoires en Europe : évolutions historiques et modèles d’analyse Par politiques migratoires, on entend l’« ensemble des politiques, des acteurs et des institutions qui régissent l'admission et l'intégration des migrants étrangers dans le pays d'accueil » [Hammar, T. (dir.) [1985], European Immigration policy ; a comparative study, Cambridge University Press, Cambridge, p. 454]
I. L'histoire des politiques migratoires en Europe 1. Des années 1920 à l'après Deuxième Guerre Mondiale 2. Des années 1950 aux années 1970 Guestworker, Gastarbeiter ; Programme Bracero Sayad A. [1999], La double absence. Des illusions de l'émigré aux souffrances de l'immigré, Le Seuil, Paris. 3. Des années 1970 au milieu des années 1990 4. Depuis la fin des années 1990
II. La production des politiques d’immigration : acteurs, processus et modèles explicatifs 1. Les approches structurelles a. L’explication par les déterminants historiques. Genèse de l’Etat-nation et modèles nationaux Brubaker R. [1997], Citoyenneté et nationalité en France et en Allemagne, Belin, Paris. b. L’évolution des contraintes institutionnelles : « paradoxe libéral » et juridicisation des politiques d’immigration Hollifield J. [1992], Immigrants, markets and states : the political economy of post-war Europe, Harvard University Press, Cambridge MA. Soysal Y. [1994], Limits of Citizenship: Migrants and Postnational Membership in Europe, University of Chicago Press, Chicago.
2. L’approche par les réseaux d'acteurs et les groupes d'intérêt. a. Le rôle des partis politiques et le poids du facteur idéologique Baldwin-Edwards M. et Schain M. [1994], The politics of immigration in Western Europe, Sage, Londres. Guiraudon V. [1999], « Jeux d’ombre et de lumière : les politiques envers les étrangers en Europe », Revue française de science politique, vol. 49, n 6, p. 755-782. Given T. et Luedtke A. [2005], « European Immigration Policies in Comparative Perspective: Issue Salience, Partisanship and Immigrant Rights », Comparative European Politics, vol. 3, n 1, p. 1-22.
2. L’approche par les réseaux d'acteurs et les groupes d'intérêt. b. Le poids des intérêts économiques : le paradigme libéral Freeman G. International migration review, vol. 29, n 4, p. 881-902. Joppke C. [1999], Immigration and the nation-state : United States, Germany, and Great Britain. Oxford University Press, Oxford Boswell C. [2007], « Theorizing Migration Policy: Is There a Third Way? », The International Migration Review, vol. 41, n 1, p. 75-100. Lahav G. [2004], Immigration and politics in the new Europe: Reinventing borders, Cambridge University Press,
2. L’approche par les réseaux d'acteurs et les groupes d'intérêt. c. Le rôle des ONG et des lobbys Geddes A. [2000b], « Lobbying for migrant inclusion in the European Union: new opportunities for transnational advocacy? », Journal of European Public Policy, vol. 7, n 4, , p. 632-649 No Border ; Migreurop d. Le rôle croissant des acteurs privés “Industrie de migration” Boswell C. et Geddes A. [2011], Migration and mobility in the EU, Basingstoke, Palgrave Mc Millan, Londres.
3. La mise en œuvre des politiques d’immigration sur le terrain La thèse du gap Terray E. [1999], « Le travail des étrangers en situation irrégulière ou la délocalisation sur place » in Balibar E. , Chemillier-Gendreau M., Costa-Lascoux J. et Terray E. (dir.), Sans-papiers : l'archaïsme fatal, La Découverte, Paris, p. 9-34.
4. Le cas particulier de l’Union européenne : quelle convergence ? a. Bref retour socio-historique sur l'européanisation des politiques d’immigration : vers une communautarisation croissante b. Quel degré de convergence dans les politiques européennes ?
2ème partie : L'exemple de la "crise des réfugiés„ à l‘aune de l‘évolution des politiques de contrôle et d‘asile
I. Les politiques d’asile et la suspicion contemporaine envers les candidats au statut de réfugié. Les politiques d’asile modernes ont toujours constitué des politiques publiques à part entière : elles dépendent toujours en partie des intérêts géopolitiques, mais aussi économiques et démographiques, des Etats. Exemples dans le contexte de la guerre froide : Convention de Genève sur la protection des réfugiés du 28 juillet 1951, protocole de New York en 1967. Ref: Noiriel, G. (1991). La tyrannie du national. Le droit d'asile en Europe, 1793-1993. Paris: CalmannLévy.
Après la guerre froide : l’entrée dans une ère de « soupçon », Au sein des administrations chargées du contrôle des frontières s’impose l’idée que l’asile constitue un moyen détourné pour les migrants économiques d’atteindre leur but. Le nombre des demandes d’asile augmente constamment – 332 000 en 2012, 625 000 en 2014 et 1 250 000 en 2015 (indicateur Eurostat, données 2016 pour l’ensemble des pays de l’UE) La perception des demandeurs comme « faux réfugiés » en réalité motivés par la recherche d’un travail se diffuse largement.
Dans les années 1980-1990, des restrictions fortes dans l’octroi du statut de réfugié et dans l’accueil des demandeurs d’asile en France 1973 : 1 373 demandes enregistrées, pour un taux d’octroi du statut de réfugié de 85 %. 1985 : 19 000 demandes, dont 85 % approuvées. En 2013 : 66 251 demandes, dont 12,8 % approuvées (24 % en ajoutant les décisions de la CNDA) Ces taux sont inférieurs à la moyenne européenne (34,5 % d’admissions en premières instance en 2013) (source : ministère de l’Intérieur/Eurobaromètre). En 2015 : 59 335 nouvelles demandes ; 80 075 demandes instruites en tout (incluant celles qui sont pendantes depuis plus d’un an) ; 19 450 personnes protégées (pour un total de 206 172 personnes protégées sur le territoire) (source OFPRA). Durcissement également de l’accueil : retour sur le dispositif national d’accueil (DNA) et le rôle des associations-relais.
II. L’externalisation des politiques d’asile et la « crise des réfugiés syriens ». La mise à distance comme logique générale de gestion des « flux mixtes ». Depuis la fin des années 1990, c’est aux États limitrophes de l’espace Schengen qu’est désormais confié le soin de contrôler, d’arrêter et de refouler les migrants non désirés avant leur entrée en Europe. Economiser aux États membres de l’UE les moyens nécessaires à la détection et l’expulsion des étrangers lorsqu’ils se trouvent déjà sur leur territoire. Permettre au contrôle d’échapper aux contrôles démocratiques – juridictionnels ou associatifs notamment. Suppose en revanche des négociations complexes avec les voisins immédiats de l’espace Schengen.
La « crise » actuelle s’inscrit dans la continuité de cette gestion externalisée depuis une quinzaine d’années Fin des années 1990 : Face à face UE-Maroc 2008-2011 : Négociations avec la Lybie 2015-2016 : Pourparlers avec la Turquie Accords de novembre 2015 et mars 2016. Source : Réseau Migreurop, 2016
Cette nouvelle séquence se produit dans un contexte particulier : Logique spécifique d’externalisation dans le cas de l’asile : « asile sur place », assignant les demandeurs d’asile et ceux à qui le statut de réfugié a été reconnu à une résidence définitive dans les pays limitrophes de leur pays d’origine (« pays tiers sûrs ») ou dans une région de leur propre pays où ils ne risquent aucune persécution. Depuis 2003, inclus dans les « Règlements Dublin ». Nouveau contexte géopolitique créé par les « Printemps arabes » en Méditerranée. Référence : Schmoll, C., Thiollet, H., & Wihtol de Wenden, C. (Eds.). (2015). Migrations en Méditerranée. Permanences et mutations à l'heure des révolutions et des crises. Paris: CNRS.
En dépit de ce contexte particulier, la « crise » de 2015-2016 réédite le schéma diplomatique et policier de l’externalisation : Exil vers l’Europe de 362 000 Syriens pour la seule année 2015. Dans les pays limitrophes de la Syrie : 1,07 million au Liban, 2,2 millions en Turquie (chiffres UNHCR). Multiplication des naufrages dramatiques de migrants et réaction européenne : Mare Nostrum, Triton. Les attentats de Paris et Bruxelles encouragent également une approche purement répressive de la réception des réfugiés.
Le schéma d’externalisation : conséquences sur le plan humain et sur la solidité de l’espace Schengen Deux accords avec la Turquie, en novembre 2015 puis en mars 2016. Les autorités turques doivent alors s’engager à bloquer ou réadmettre sur leur territoire les réfugiés en marche vers l’Europe. Contreparties : aide de 3 milliards d’euros, transfert vers l’UE d’un réfugié syrien pour chaque réfugié réadmis, politique de visa facilitant l’entrée en Europe des ressortissants turcs, et reprise des pourparlers d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. L’enjeu côté européen : résorber les hot spots – camps de réfugiés installés dans les îles grecques au large de la Turquie (Lesbos, Chios ou Samos) : Après un examen rapide, les autorités grecques peuvent désormais y déterminer si leurs occupants peuvent être renvoyés vers la Turquie ou si leur demande d’asile doit être instruite par la Grèce. Depuis mars 2016, ces camps sont donc devenus des centres d’expulsion où les réfugiés sont enfermés pour attendre un éventuel rapatriement forcé.
Si l’on voit donc à l’œuvre une classique dynamique d’externalisation, la désorganisation de l’espace Schengen provoquée par cette nouvelle séquence est en revanche plus inédite. Plan de relocalisation faiblement mis en œuvre Répartition dans l’ensemble des États membres de 160 000 candidats à l’asile accueillis par la Grèce et l’Italie. Au 15 mars 2016, seules 937 personnes ont été relocalisées, dont 243 pour la France qui devait en recevoir plus de 5 000. La Grèce a dû prendre en charge 143 000 personnes entre janvier et avril 2016 (European Commission Factsheet, 22 octobre 2015). Retour au contrôle des frontières internes par certains pays membres.